Loi de finance pour 2022 et correction technique sur le Pacte Dutreil : vigilance sur l’activité économique des titres de la société transmise
Pour rappel, le Pacte Dutreil permet les transmissions par décès et les donations de parts ou actions de sociétés assorties d'un engagement collectif de conservation et exonérées de droits de mutation à titre gratuit à concurrence des 75% de leur valeur. Faisant suite à l’arrêt de la Cour de Cassation de mai 2022, la loi de finance 22 ajoute une condition à la durée d’exercice de l’activité opérationnelle requise pour la mise en œuvre du régime d’exonération Dutreil.
Entre autres conditions pour l’éligibilité du Pacte Dutreil, la société dont les titres font l’objet du pacte doit exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. Par ailleurs dans l’objectif de stabilisation de l’actionnariat dans le temps, trois engagements de détention doivent être respectés pour valider le bénéfice de l’exonération fiscale :
- un engagement collectif de conservation de 2 ans minimum (sauf réputé acquis) ;
- un engagement individuel de conservation de 4 ans à compter de l’expiration de l’engagement collectif ;
- l’engagement de l’exercice d’une fonction de direction par un des signataires de l’engagement collectif pendant 3 ans à compter de la transmission.
On rappelle à cette occasion que les sociétés holdings animatrices, dont l’activité principale consiste à participer activement à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale, sont assimilées à des sociétés ayant une activité éligible et la transmission de leurs titres peut bénéficier du régime d’exonération.
Ainsi l’article 8 de la loi de finances rectificative pour 2022 est venu préciser que, pour les transmissions réalisées depuis le 18 juillet 2022 (et, dans certains cas, pour les transmissions réalisées avant cette date), cette condition d’exercice d’une activité éligible doit être satisfaite à compter de la conclusion de l’engagement collectif et ce jusqu’au terme de l’engagement individuel de conservation (art. 787 B, c bis nouveau du CGI). Cette disposition, qui légalise la doctrine administrative (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 25, 21/12/2021), vise à faire échec à une récente jurisprudence de la Cour de cassation. Par une décision du 25 mai 2022, la Haute Juridiction a en effet considéré que l’exonération partielle ne peut pas être remise en cause en cas de perte par une société holding de sa fonction d’animatrice de groupe postérieurement à la transmission, la loi n’imposant pas qu’une telle société conserve son rôle d’animation jusqu’au terme des engagements de conservation (Cass. com. 25/05/2022 n°19-25.513 F-PB).
L’exigence de la poursuite d’une activité éligible jusqu’au terme de l’engagement individuel s’applique finalement aux transmissions intervenant à compter du 18/07/2022. Elle s’applique également rétroactivement aux transmissions intervenues avant cette date et répondant aux conditions cumulatives suivantes :
- l’un des engagements de conservation (collectif, unilatéral ou individuel) est en cours ;
- la société exploitante n’a pas cessé d’exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole.
Il convient donc de rester vigilant dans le caractère opérationnel des sociétés transmises pour éviter la remise en cause par l’administration du bénéfice de l’exonération et encore plus particulièrement dans le caractère animateur d’une société Holding.
Par Noel Boulch –Fiscaliste