De récents arrêts de la Cour de cassation ont précisé les notions de majorité et d’unanimité au sein des réunions d’associés, l’occasion d’évoquer également la réforme Soihili de 2019 qui a modifié les règles de majorité requise pour adopter ou modifier les clauses d’exclusion.
La notion de majorité,
En matière de Société par Actions Simplifiées, la loi a toujours prévu une très grande liberté aux fins de définir les modalités de votes, quorums et majorités requise, les fondateurs ont la faculté de définir librement ce qu’ils entendent mettre en place concernant l’adoption des décisions collectives.
Jusqu’alors, nous pouvions penser avoir toute latitude pour choisir à quel pourcentage serait la majorité, pouvant alors être inférieure à la majorité simple. Bien qu’il semble illogique en pratique que l’on puisse mettre en place une majorité inférieure à 50% des associés présents ou représentés, rien ne semblait l’interdire.
Le 19 janvier 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation (n° 19/12.696) a du juger de la validité d’une clause fixant la majorité au tiers des associés présents ou représentés. La Haute juridiction censure la Cour d’appel qui considéra que la liberté des SAS justifiait cette lecture extensive de l’alinéa 2 de l’article L. 227-9 du Code de commerce. Selon les juges, « les résolutions d’une SAS ne peuvent être adoptées par un nombre de voix inférieur à la majorité simple des votes exprimés ».
En d’autres termes, la majorité prévue par les statuts ne peut être inférieure à la majorité simple des votes exprimés, donc des associés présents ou représentés, soit la majorité ne peut être inférieure à 50% plus une voix.
La notion d’unanimité,
La notion d’unanimité pouvait interroger, car en l’absence de précision législative, comment savoir si l’unanimité comprend, l’ensemble des associés présents ou représentés, ou bien l’ensemble des associés qu’ils soient présents, représentés ou non ?
L’article 1852 du Code civil prévoit l’unanimité des associés, à défaut de dispositions statutaires, pour les décisions qui excèdent les pouvoirs reconnus aux gérants. Ainsi en l’absence de précisions statutaires, les associés se doivent de prendre les décisions à l’unanimité, mais quelle unanimité ?
L’arrêt du 5 janvier 2022 (n° 20/17.428) de la Cour de cassation 3ème civ., a mis fin à toute incertitude. L’unanimité serait alors appliquée à l’ensemble des associés, soit présents, représentés et absents.
Cette solution nous rappelle l’importance de rédiger les statuts avec précision afin d’éviter tout blocage que pourrait causer un associé abstentionniste et de réserver les votes à l’unanimité aux seules décisions les plus importantes.
Les modalités d’adoption des clauses d’exclusion,
Enfin, depuis 2019 et la réforme Soihili, les modalités d’adoption ou modification des clauses d’exclusion ne se décident plus obligatoirement à l’unanimité. Bien que cette modification, en rajoutant l’alinéa 2 à l’article L. 227-19 du Code de commerce, dissipe certaines difficultés, elle en pose d’autres.
En réduisant cette faculté à la majorité simple ou toute autre modalité déterminée par les associés, la barrière de protection que constituait l’unanimité n’existe plus. En ce sens, les associés majoritaires de SAS peuvent modifier comme bon leur semble les motifs d’exclusion ou tout autre disposition relative à l’exclusion.
Le problème c’est que la formule de calcul du prix des titres de l’associé exclu suit généralement le régime de la clause d’exclusion. Ainsi, depuis la réforme, nous pourrions craindre qu’un associé majoritaire ait toute liberté pour modifier le prix du rachat des titres de l’associé concerné par l’exclusion. Bien que cette faculté ne permette pas un rachat à vil prix, l’associé exclu pourrait tout de même se voir proposer un rachat de ses titres à un prix inférieur à ce qu’il aurait pu obtenir.
Il semble évidement que la jurisprudence cherchera à poser des garde-fous, pour éviter tout abus de la part des majoritaires, mais la situation actuelle interroge sur l’utilisation de ce droit par les majoritaires contre d’éventuels investisseurs minoritaires.
Par Maxime Ballagny et Jean-Baptiste Barsi