La durabilité est devenue un enjeu majeur pour les entreprises, non seulement en raison des pressions sociales et environnementales, mais aussi à cause des nouvelles réglementations. La Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) représente une avancée significative pour le reporting extra-financier. Cette directive vise à standardiser et à renforcer la transparence des entreprises sur leurs impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).
De la RSE au reporting extra-financier
Le reporting extra-financier est la pratique par laquelle une entreprise communique ses performances et ses impacts en matière de développement durable. Contrairement au reporting financier qui se concentre sur les résultats économiques, le reporting extra-financier couvre des aspects comme l’empreinte carbone, la gestion des ressources humaines, et la gouvernance de l’entreprise. Ce type de reporting est de plus en plus demandé par les parties prenantes, notamment les investisseurs, qui veulent évaluer les risques et les opportunités liés aux pratiques de durabilité des entreprises.
Avec l'évolution des attentes sociétales, les entreprises ne sont plus jugées uniquement sur leur capacité à générer des profits, mais aussi sur leur contribution à un avenir durable. Le reporting extra-financier permet de fournir une image complète de l’entreprise, en montrant comment elle crée de la valeur à long terme, non seulement pour ses actionnaires, mais aussi pour l’ensemble de la société.
Définition de la CSRD
La Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), adoptée par l’Union européenne en 2021 et transposée en droit français par l’Ordonnance de décembre 2023, marque un tournant dans la manière dont les entreprises doivent rendre compte de leurs pratiques en matière de durabilité. La CSRD vise à corriger les lacunes de la directive précédente, la Non-Financial Reporting Directive (NFRD), en introduisant des exigences de reporting plus détaillées, plus précises, et applicables à un plus grand nombre d'entreprises.
La directive CSRD a été conçue pour aligner les pratiques de reporting extra-financier avec les objectifs de développement durable fixés par l'Union européenne. Elle oblige les entreprises à publier des informations claires, fiables, et comparables sur leur impact environnemental, social, et de gouvernance. En harmonisant les normes à l’échelle européenne, la CSRD facilite également le travail des investisseurs qui souhaitent évaluer les risques et les opportunités liés à la durabilité.
Quelles entreprises concernées par la CSRD ?
L’un des aspects les plus notables de la CSRD est l’élargissement du champ des entreprises concernées. Alors que la NFRD s'appliquait principalement aux grandes entreprises cotées en bourse, la CSRD impose des obligations de reporting extra-financier à un plus large éventail d’entreprises. Cela inclut les grandes entreprises non cotées, certaines PME, ainsi que les filiales de groupes étrangers opérant dans l'Union européenne.
Les critères qui déterminent l'assujettissement à la CSRD incluent la taille de l'entreprise, son chiffre d'affaires, et le nombre de ses employés. Cette extension signifie que de nombreuses entreprises qui n'étaient pas auparavant concernées par les obligations de reporting extra-financier doivent désormais se préparer à intégrer ces nouvelles exigences dans leurs processus de gestion et de communication.
Les échéances de mise en place de la CSRD
Le déploiement de la CSRD s’étalera sur plusieurs années, permettant aux entreprises de s’adapter progressivement aux nouvelles exigences. Les grandes entreprises cotées seront les premières à devoir publier leur premier rapport conforme à la CSRD pour l’exercice 2024, et les autres entreprises concernées suivront jusqu’en 2029.
Catégories d’entreprises
Les critères d’application
Date premier exercice concerné
Date premier reporting
Grandes entreprises européennes et non européennes de plus de 500 salariés et déjà assujetties à la NFRD
Un CA supérieur à 50 millions d’euros et/ou un total de bilan de plus de 25 millions d’euros
2024
2025
Entreprises côtées en bourse sur un marché européen réglementé
2 des 3 critères minimum :
- Plus de 250 salariés
- Un CA supérieur à 50 millions d’euros
- Un total de bilan de plus de 25 millions d’euros
2025
2026
Les PME cotées sur un marché réglementé (hors micro-entreprise)
2 des 3 critères minimum :
- Plus de 10 salariés
- Un CA supérieur à 900 000 euros
- Un total de bilan de plus de 450 000 euros
2026
2027
Toutes les autres entreprises non européennes
- Un CA supérieur à 150 millions d’euros sur le marché de l’UE sur les deux dernières années
Et l’un des deux critères suivants au minimum :
- Filiale dans l’UE qui est une PME côté de plus de 250 salariés
- Une succursale dans l’UE qui réalise plus de 50 millions de CA
2028
2029
Ce calendrier permet aux entreprises de se préparer progressivement, mais il met également en lumière l’urgence de commencer à se préparer dès maintenant. Les entreprises devront non seulement adapter leurs systèmes de collecte de données, mais aussi former leur personnel, revoir leurs procédures internes, et éventuellement investir dans de nouvelles technologies pour assurer la conformité avec les nouvelles normes.
Les normes ESRS
Les European Sustainability Reporting Standards (ESRS) sont des normes développées pour accompagner la mise en œuvre de la CSRD. Leur objectif est de fournir un cadre clair et standardisé pour le reporting extra-financier, afin de garantir que les informations publiées par les entreprises soient comparables, transparentes, et fiables.
Les ESRS, sont structurés pour couvrir l’ensemble des aspects ESG, allant des impacts environnementaux (comme la gestion des émissions de gaz à effet de serre) aux aspects sociaux (comme les conditions de travail et la diversité), en passant par les pratiques de gouvernance. Parmi les 12 normes publiées par l’EFRAG, on y ajoute également des normes transverses :
- Les normes transverses :
- ESRS 1 : Les exigences générales
- ESRS 2 : Les informations générales
- Les normes environnementales :
- ESRS E1 : Changement climatique
- ESRS E2 : Pollution
- ESRS E3 : Ressources aquatiques et marines
- ESRS E4 : Biodiversité et écosystèmes
- ESRS E5 : Utilisation des ressources et économie circulaire
- Les normes sociales :
- ESRS S1 : Effectifs de l'entreprise
- ESRS S2 : Travailleurs de la chaîne de valeur
- ESRS S3 : Communautés touchées
- ESRS S4 : Consommateurs et utilisateurs finaux
- Les normes de gouvernance :
- ESRS G1 : Conduite des affaires
Comprendre les standards et le fonctionnement
Les ESRS se composent de plusieurs standards spécifiques, chacun traitant d'un aspect particulier de la durabilité. Par exemple, un standard peut se concentrer sur les exigences de divulgation liées au changement climatique, tandis qu’un autre peut porter sur les questions sociales, comme l'égalité des sexes ou les droits de l'homme.
Chaque standard ESRS spécifie les informations que les entreprises doivent divulguer, les méthodes de calcul des indicateurs de performance, ainsi que les formats de présentation des données. Pour assurer la conformité avec la CSRD, les entreprises devront intégrer ces standards dans leurs processus de reporting, ce qui peut nécessiter des adaptations importantes, notamment en matière de collecte et de gestion des données.
Les sanctions en cas de non-respect
La non-conformité à la CSRD expose les entreprises à diverses sanctions. Celles-ci peuvent inclure des amendes substantielles, des poursuites judiciaires, et des sanctions administratives. De plus, le non-respect des obligations de reporting extra-financier peut entraîner une détérioration de la réputation de l'entreprise, ce qui peut à son tour affecter sa relation avec les investisseurs, les clients, et les autres parties prenantes.
Chaque pays de l’Union Européenne à la possibilité d'imposer des sanctions qui peuvent varier en fonction de la gravité de la non-conformité. Dans les cas les plus graves, les entreprises peuvent être exclues des marchés publics ou faire face à des restrictions d'accès au financement, en particulier si elles échouent à démontrer un engagement crédible en matière de durabilité.
En France par exemple, les sanctions sont les suivantes :
- Une amende de 3750 euros en cas de non publication du rapport ou de publication d’informations partielles ou erronées
- Une amende de 30 000 euros et jusqu'à 2 ans d'emprisonnement en cas de non audit du rapport extra-financier
- Une amende de 75 000 euros et jusqu'à 5 ans d'emprisonnement en cas d'entrave aux vérifications ou contrôles des auditeurs
Au-delà des sanctions directes, les entreprises non conformes risquent de perdre la confiance de leurs parties prenantes, ce qui peut se traduire par une diminution des investissements, des opportunités commerciales manquées, et une érosion de la valeur à long terme.
Les rapports extra-financier des entreprises seront vérifiés par :
- un commissaire aux comptes
- ou un organisme tiers indépendant (OTI)
Les OTI devront être accrédités par le COFRAC, le Comité français d’accréditation. Les auditeurs devront suivre une formation de 90H sur l’audit et l’ESG.
Enfin, tous les auditeurs seront supervisés par la H2A, la Haute autorité de l’audit, qui prend le relais du H3C, le Haut conseil du commissariat aux comptes.