Lorsque des titres de sociétés sont démembrés, le nu-propriétaire conserve le droit de disposer du bien (abusus) mais c’est l’usufruitier qui aura le droit de l’utiliser (usus) et le droit d’en percevoir les fruits (fructus). Ainsi, la loi octroie le droit de vote à l’usufruitier concernant l’affectation des bénéfices et au nu-propriétaire concernant toutes les autres décisions. Les associés peuvent modifier cette répartition dans les statuts ou au sein d’un accord afin d’augmenter le droit de vote de l’usufruitier.
La question qui se pose alors porte sur la qualité d’associé : Qui du nu-propriétaire et/ou de l’usufruitier a la qualité d’associé ?
La qualité d'associé suppose la réunion de trois conditions : 1) avoir fait un apport, 2) participer aux bénéfices et aux pertes, 3) avoir eu la volonté de s'associer (affectio societatis). La qualité d’associé a dès lors toujours été reconnue au nu-propriétaire (Cass. com. 4 janvier 1994, n°91-20.256).
La question était cependant discutée s'agissant de l'usufruitier qui n’a en effet pas réalisé d’apport. La chambre commerciale de la Cour de cassation a pris position sur cette question dans un avis au sein duquel elle considère que l’usufruitier ne peut pas se voir reconnaître la qualité d’associé, qui n’appartient qu’au nu-propriétaire. Cet avis nous semble applicable à toutes sociétés, qu’il s’agisse de parts sociales ou d’actions.
Elle ajoute cependant un tempérament : il doit pouvoir provoquer une délibération des associés sur une question susceptible d’avoir « une incidence directe sur son droit de jouissance ».
Concrètement, cela signifie que l'usufruitier ne peut être tenu des dettes sociales dans les conditions de l’article 1857 du code civil, qu’il ne sera pas compté au niveau du nombre des associés, qu’il ne pourra pas être gérant si les statuts prévoient que cette qualité est octroyée à un associé, qu’il ne pourra agir en justice ou demander une délibération que si le critère d'incidence directe est rempli…
(Cass. com. Avis, 1er décembre 2021, n°20-15.164)
Par Mathilde Laruelle – Juriste