Avec la pandémie du Covid 19, de nombreux locaux commerciaux se sont retrouvés vacants.
En cette période d’incertitude, la tentation de recourir aux baux dérogatoires grandit.
Le bail dit « dérogatoire » permet de donner à bail des locaux commerciaux pour une durée maximale de 36 mois (3 ans), et ce, au moyen d’un ou plusieurs contrats de location successifs, tout en dérogeant au statut contraignant des baux commerciaux.
L’article L 145-5 du Code de commerce dispose qu’à l'expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant au Statut des baux commerciaux pour exploiter le même fonds, dans les mêmes locaux.
Il convient donc au stade de la conclusion du bail d’être vigilant que la computation des délais, c’est-à-dire sur le calcul de la durée du bail.
Exemple : si le bail est conclu pour 3 ans à compter du 5 décembre 2021, celui-ci ne trouvera pas son terme le 5 décembre 2024, mais le 4 décembre 2024,
A défaut, si le bail stipule qu’il trouvera son terme le 5 décembre 2024 alors le bail pourra être réputé avoir été conclu pour une durée supérieure à 36 mois et donc être requalifié en bail commercial (appelé communément « 3/6/9 »).
Si, à l'expiration de cette durée, et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance le preneur reste et est laissé en possession des lieux loués, il s'opère un nouveau bail. Ce bail sera soumis au Statut des baux commerciaux.
Ainsi, il est important pour le bailleur de faire connaître au locataire sa volonté de mettre fin à l'occupation des lieux dans le délai d’un mois à compter de la date d'échéance du bail.
Ce délai d'un mois se calcule de quantième en quantième.
Exemple : si le bail dérogatoire expire le 31 janvier 2022 alors le bailleur doit manifester son intention de voir cesser l’occupation des lieux loués au plus tard le 29 février 2022,
S’il expire le 4 mars 2022, alors le bailleur devra se manifester au plus tard le 4 avril 2022.
Afin de se ménager une preuve, il est conseillé au bailleur de prévenir le locataire par lettre recommandée AR ou par acte extrajudiciaire (signification par voir d’huissier).
Si le bailleur a clairement exprimé son opposition à la poursuite des relations contractuelles, le maintien dans les lieux du locataire un mois après l'échéance n'entraîne un nouveau bail soumis au statut que si des actes postérieurs non équivoques de la part du bailleur peuvent permettre de considérer qu'il est revenu sur sa décision.
En résumé, le bail dérogatoire permet une certaine souplesse pour la location des locaux commerciaux. Cependant, le caractère dérogatoire peut aisément disparaître au profit d’un bail commercial « logue durée ». Il convient donc d’être vigilant : après l’heure ce n’est plus l’heure !
Par Amandine Jouanin – Avocat partenaire